A celles et ceux qui pourraient parfois trouver la pop française trop sérieuse, trop scolaire, trop prévisible, on recommande de jeter une oreille aux fantaisies délurées de Bonnie Banane.
Ce nom de scène excentrique appartient à une chanteuse et compositrice née en Bretagne à la fin des années 1980, ancienne élève du Conservatoire national supérieur d’art dramatique (d’où le côté théâtral de sa musique). Après un premier album décomplexé, Sexy Planet (2020), la Française continue de créer la surprise avec ses morceaux ludiques et contestataires sur son deuxième album, Nini, à paraître début avril, en équilibre parfait entre pop, electro et RnB. Extravagante et extravertie, dans la même famille musicale que Catherine Ringer ou Brigitte Fontaine.
Rencontre.
Quelles sont tes attentes avant de monter sur scène pour un gros festival comme Rock en Seine ?
J’attends des cris, des hurlements. J’attends aussi de voir le ciel. Ça sera le début de la soirée. Et quand tu rentres sur scène en festival, tu es content de voir le ciel.
L’album est sorti au printemps. Qu’est ce qu’il apporte de nouveau musicalement ?
Il m’a permis d’aller plus loin, de rencontrer de nouvelles personnes. Celles avec qui on a mixé, avec qui on a enregistré à Motorbass Studio. C’est réunir des gens avec qui je suis depuis longtemps.
Tu ressens une évolution dans le son ou le ton ?
Il est peut-être plus frontal ouais. Un peu plus gras. On est allé plus loin dans les arrangements. Et ça c’est grâce aux gens sur ce disque, leur combinaison. C’était une plus petite équipe, mais plus concentrée : dans le temps, plus focus, tout ça change le ton des chansons.
Comment se passe la synergie avec les musiciens, surtout en tant qu’artiste dite solo ?
Je les écoute beaucoup, je prends leur expérience, leur passion. Je reste éponge à eux. Scéniquement parlant, j’avais l’habitude d’être seule, et donc les intégrer, c’est un plaisir, mais je sais que c’est encore in progress. On n’est pas en fin de tournée, on a encore beaucoup de travail. Ce passage à Rock en Seine est une grosse étape de travail.
Ta formation de théâtre a eu un impact ?
Ça me sert sans forcément m’en rendre conscience. Pour les tops, pour des besoins techniques, pour être carrée, ou la conscience de l’espace. Il faut créer des évènements, des ruptures.
Et quelle est la place de la mise en scène ?
Il y a des contraintes techniques, une façon de faire. Elle va totalement dépendre de ça, de la taille de la scène. Je ne suis pas encore à l’étape où, je vais faire une pause au milieu du concert pour me lancer dans un monologue ou faire entrer des acteurs avec moi. Le théâtre a été un apprentissage riche que je tente d’infuser.
Dans l’avenir, tu as une idée de ce à quoi tu voudrais que ça ressemble ?
J’ai l’impression que voudrais évoluer vers des choses plus pluridisciplinaires : plus vers la performance, l’hybride. Dans d’autres lieux, ni du concert, ni du théâtre. Mon pote Price, artiste de Zurich, fait ce genre de mélange.
Et avec l’expérience, est-ce que tu as pu te départir de tes anciennes influences ?
Justement, je me pose beaucoup la question des influences en ce moment et je crois que j’ai du mal à en identifier des claires. Il y a des interprètes que j’aime beaucoup, mais ils sont sur des piédestaux. Typiquement Prince est aussi bon chanteur que musicien, chef-d ’orchestre ou designer. Il est si iconoclaste. C’est une idole, mais jamais je ne songe copier ou m’inspirer. En revanche, l’autre jour, je regardais un documentaire sur Grace Jones, scéniquement, mais aussi ses outfits, c’est vraiment inspirant.
Justement, toi l’outfit t’aide à interpréter ?
Ça m’aide mais y a des contraintes. Le costume doit me faire me sentir bien. Ce soir, je vais probablement mettre pour la dernière fois une tenue et en changer après. Je l’ai exploitée, j’en ai fait le tour. Je vais faire autre chose. L’outfit te permet de te présenter autrement. Comme dans la vie, selon le type de chaussures, mon pas ne vas pas être le même. Les talons sur scène, comparé au fait d’être à plat, ça change la façon dont tu bouges et te présente aux gens. Si tu arrives en talons aiguilles, c’est compliqué, ça peut se prendre dans les fils. Mais si tu arrives en tong-chaussettes, tu n’auras aucun charisme. Le chapeau aussi, ça a un impact. Bref, il y a des tonnes de choses.
Une anecdote de concert ?
J’aime bien croiser les regards dans la foule. L’autre jour, je chante un titre où je dis « tu n’es qu’un goujat » et au moment où je le chante, je balaye le regard dans la foule et je croise le regard d’un mec qui est vraiment un goujat dans la vie. Là le « goujat » sort plus frontalement.
Propos recueillis par Alexandre Mathis
Crédits photos : Olivier Hoffschir