Pour réviser un peu avant leur retour triomphal à Rock en Seine, voilà trois moments-clés dans la carrière de Franz Ferdinand, quatre Anglais dans le vent qui ont su rendre ses lettres de noblesse au mal-aimé terme »pop rock ».
https://www.youtube.com/watch?v=7-3HO8LoBxE
« One for the money. Two for the show. Three to make ready. And four to go… » Demandez à Elvis, à Gene, à Chuck ou à Jerry Lee : en premier lieu, le rock a été inventé pour danser. Si des tas de musiciens l’ont un peu oublié en cours de route, à l’aube du nouveau millénaire, un groupe s’est chargé de le rappeler à la Terre entière : Franz Ferdinand.
Chouchous des rock critics en six mois
Scène quotidienne dans un appartement écossais, intérieur jour. Nous sommes à la fin de l’année 2001 et Bob Hardy, 20 ans, boit le thé dans la cuisine d’Alex Kapranos, 28 ans, à Glasgow. Le premier est étudiant aux beaux-arts de Glasgow, le second un pilier de la scène locale, qu’il a écumée avec plein de groupes aux noms aussi chicos que The Karelia, The Amphetameanies et The Yummy Fur. Récemment, il a reçu une basse en cadeau de la part de Mick Cooke, trompettiste et bassiste de Belle & Sebastian, à une condition : qu’il en fasse « quelque chose d’utile ».
Naturellement, Alex propose alors à Bob de lui apprendre l’instrument. Cette proposition si anodine entre deux potes désoeuvrés secouant leurs boules à thé marque pourtant l’acte de naissance de Franz Ferdinand. Et Bob Hardy ne le sait pas encore, mais accepter d’apprendre cet instrument à quatre cordes changera leur vie à tout jamais.
L’embryon de groupe s’étoffe vit de Nick McCarthy à la guitare et aux synthétiseurs, ainsi que de Paul Thomson à la batterie, un camarade de Kapranos dans The Yummy Fur. Ils décident d’abandonner la mode des groupes en « The » (merci à eux) et choisissent de se produire sous le nom de Franz Ferdinand. Très vite, armée de son rock arty aux tempos frénétiques, la bande fait danser la jeunesse écossaise dans des squats aux murs décrépis dont les policiers tentent de les déloger en vain. Un vent frais souffle sur Glasgow : il y a un nouveau groupe en ville.
Les 26 et 27 février 2003, Franz Ferdinand tente sa chance à la capitale. « Ils y ont joué une poignée de concerts et ont décidé qu’ils aimaient cette ville. Londres est plus grand que Glasgow et davantage de gens qui veulent sortir des disques y vivent », commentait avec perspicacité son site Internet à l’époque.
Tout s’enchaîne à une vitesse folle : le groupe partage la scène avec Hot Hot Heat, The Futureheads, mais surtout The Libertines et Interpol. Dans la foulée, il tape dans l’oeil de Domino Records qui enregistre son premier EP Darts of Pleasure, sorti le 8 septembre 2003. Il ne faut que peu de temps pour que les radars des rock critics britanniques ne se mettent à s’affoler : la légende raconte qu’un jour comme tous les autres, le journaliste de NME Connor McNicholas s’est rué hors de son bureau à l’écoute d’un morceau qui a retenu son attention pour demander, tout excité, dans l’open-space « Nom de dieu, mais qu’est-ce qu’on écoute ? » : c’était le titre « Darts of Pleasure« .
A ce moment-là, toute la presse rock britannique croit dur comme fer au revival du genre depuis Is This It des Strokes, White Blood Cells des White Stripes ou encore Turn On the Bright Lights d’Interpol, tous sortis en l’espace de deux ans. Elle fait alors de Franz Ferdinand son héros : en cinq petits titres, Darts of Pleasure réussit ce véritable tour d’alchimiste de mélanger The Fall, Gang of Four, les Kinks, Josef K et d’en faire de l’or. La transsubstantation est totale.
Les quatre gringalets de Franz Ferdinand sont alors propulsés sur le devant de la scène, et ce quelques semaines à peine après leur premier concert londonien : le site Drowned In Sound écrit : « Dart of Pleasure est une comédie drôle et joyeuse délivrée par des riffs de basse simples et des guitares pimentées, avec une bonne dose de fuzz bien grinçant. « Super fantastic », tout simplement ! » Consécration suprême au royaume de Pink Floyd et des Beatles, ils obtiennent d’apparaître en une du célèbre NME avec cette accroche en forme de superbe promesse : « Ce groupe va changer votre vie ». Indeed.
D’ailleurs les Ecossais conquièrent certes le coeur des Anglais, mais leur succès s’exporte très vite aux Etats-Unis : « Franz Ferdinand réussit le défi de critiquer les aspects les plus superficiels de notre société moderne tout en le faisant sur une mélodie entraînante. Ils pillent le glam, le rock et la new wave avec un résultat qui charmera même les hipsters qui refusent de poser un pied sur le dancefloor », écrit le magazine yankee Spin dans une chronique enthousiaste.
Fin 2003, Franz Ferdinand n’a pas encore sorti son premier album que les attentes à son égard sont immenses. La suite ne décevra personne.
Théo Chapuis
La suite de l’aventure demain.