Lulu Van Trapp : “On imagine notre musique et nos concerts comme un striptease vers l'honnêteté”
Derrière la figure de Lulu Van Trapp se cachent Rebecca, Max, Nico et Manu. Il y a un an, ils sortaient leur premier album, I’m not here to save the world. Rencontre avec une belle, attachante et joyeuse bande…
Racontez-nous la naissance de ce personnage de Lulu Van Trapp !
Rebecca : À la base, Lulu Van Trapp était une sorte de super-héroïne qui nous donnait de la force. Notre groupe précédent était très indé. On avait grave du mal à trouver des concerts et à se faire prendre au sérieux. Du coup on a inventé ce personnage de femme trop badass, Lulu Van Trapp, qui nous bookait des shows. C’était une sorte d’avatar que j’avais et qui nous a bien aidé. Du coup, quand avec Maxime on s’est retrouvé tous les deux à faire nos petites chansons d’amour dans notre squat à Saint-Ouen, on s’est dit qu’il nous fallait peut-être un personnage pour nous sauver. On a alors réinvoqué auprès de nous Lulu Van Trapp.
Le groupe d’avant, c’était La mouche ?
Rebecca : Oui, pour Max et moi. Nico et Manu en avaient un autre.
Nico : Lulu Van Trapp est une famille recomposée ! Avec les meilleurs éléments.
Max : C’est un super groupe ! (rires)
Lulu Van Trapp fait des choses très différentes de La Mouche !
Max : Et c’est très différent de ce que faisaient Manu et Nico avec leurs groupes précédents.
Rebecca : Cela émane de nos expériences vécues dans ces groupes et de toute la musique dont on s’est nourri. Lulu Van Trapp a marqué un retour à la douceur et à l’honnêteté et nous a aide à mettre moins de masques et de faux-semblants.
Max : Avec Rebecca, on était vachement dans des histoires très imagées pour les paroles, à se cacher derrière des personnages. Avec Lulu, on est vraiment dans le « Je te raconte une histoire, tu me racontes une histoire. » On se voit les uns, les autres. Il y a quelque chose de très véritable. Quand on s’est lancé dans cette nouvelle aventure, il y avait vraiment l’envie d’aller vers le simple, sans interdit. On se permet tout ce qu’on veut, tout ce qui nous fait kiffer.
C’est un paradoxe de s’abriter derrière un personnage pour arriver à plus de simplicité et d’honnêteté, non ?
Max : Non parce qu’à la base avec Rebecca, on avait un peu peur, on était un peu dans un truc casse-gueule. Rebecca n’avait jamais fait de synthé de sa vie et moi jamais de guitare. Du coup on avait besoin d’un mini repère, d’une sorte de totem, auprès duquel se ranger, se confier. Comme autour d’un feu de camp : « OK, là c’est notre base, on se retrouve là si on se perd. » Il y avait un côté un peu naïf au début, qui a évolué avec notamment les arrivées de Nico et Manu, qui ont apporté leur pierre.
L’aventure a commencé à deux avant de s’élargir. L’intégration s’est faite de manière organique ?
Rebecca : Complètement ! Avec Max, très vite on s’est dit qu’il nous fallait un batteur. On vient du rock à l’origine, même si le rock est d’abord un esprit de liberté qui souffle sur n’importe quel style. Du coup on n’avait pas envie de perdre l’animalité du rock. On a très vite intégré Nico au groupe, on le connaissait déjà. Et il nous a ramené Manu à la basse. On a fait notre premier concert à quatre très vite. C’était comme si on se connaissait depuis toujours. Notre famille, notre fratrie s’est créée très rapidement.
Max : J’ai l’impression que chacun a eu sa place assez vite, alors que Rebecca et moi prenions déjà pas mal de place. Quand Nico est arrivé, il a trouvé son monde dans le nôtre. Et c’est pareil pour Manu. Personne ne s’est trouvé étouffé par quoi ou qui que ce soit.
Rebecca : Les seuls qui se mettent finalement sur la gueule, c’est Max et moi finalement ! (rires)
Nico : Et puis chimiquement il y a ce truc des fréquences basses (ndlr: il se désigne ainsi que Manu) de l’ensemble rythmique qui apporte ce qui vous manquait.
Rebecca : C’est vrai que nous ça vibre haut !
Vous débriefez votre vie devant moi !
Rebecca : Ben oui, tu es la dernière interview de la journée ! On fait toujours comme ça. Tu es le psy ! (rires)
Max : En plus, je suis sur un divan donc je donne tout ! (rires)
Lulu Van Trapp, c’est un personnage et de la musique. C’est aussi une approche visuelle et esthétique. Avez-vous conçu ce groupe ainsi dès le départ ?
Rebecca : Tout est venu un peu en même temps. La musique est notre médium mais on recherche un art à 360 degrés. La musique, c’est juste là où on est le meilleur, à peu près. On a vraiment envie d’explorer tous les médiums. L’aspect visuel du groupe et les clips sont extrêmement importants pour nous. Il n’y a pas une parole de chanson que j’écris sans déjà avoir les images en tête. C’est très filmique comme approche de la musique.
Max : C’est ça. Même avec les sons de synthé, on s’imagine des pays, des époques. Il y a vraiment cette idée de truc total.
Le grand thème de Lulu Van Trapp, c’est l’amour. Et vous l’abordez avec un grand dépouillement…
Rebecca : On imagine notre musique, nos concerts comme un striptease vers l’honnêteté. Quand j’écris les textes, je me force à être vraiment honnête avec moi-même. J’ai beaucoup écrit sur des histoires d’amour et de cœur brisé. Ce sont des choses que je n’ai même pas évoqué en face avec les personnes concernées par ces chansons. Mais j’y arrive à travers la musique, qui est un vrai révélateur d’honnêteté. Cela permet d’être moins timide, de se transformer soi-même.
Il y a un an, vous avez sorti votre premier album. Son titre « I’m not here to save the world » est très malin. Sa signification dépend un peu de l’humeur dans laquelle on est. Vous vouliez rester dans ce flou ?
Rebecca : C’est une façon de se libérer…
Nico : Cela dépend vraiment de l’humeur. C’est une phrase ouverte. On peut la lire comme : « Allez tous vous faire foutre ! » Et le lendemain il sonne comme une invitation à construire autre chose.
Rebecca : Il y a un sens un peu plus générationnel. C’est peut-être aussi une façon d’affirmer : « Arrêtez de nous faire porter toutes les erreurs que vous avez commises ! Je ne suis pas là pour sauver le monde mais pour danser dans les ruines. » Notre génération et celle d’après ont une épée de Damoclès au-dessus de la tête. C’est une façon de s’en amuser, de s’en libérer mais aussi de marquer cette ultra-conscience. Et puis on s’interrogeait trop pour le titre de l’album. Donc on a vraiment choisi cette phrase, extraite de la chanson Joan of Arc, parce qu’on voulait qu’en interview on nous interroge sur ce titre et pouvoir ainsi parler de pleins d’autres choses que de musique et s’éloigner aussi du superficiel pour échanger profondément.
Max : À la base on voulait Antisocial mais c’était déjà pris ! Le seum… (rires)
Propos recueillis par Thomas Destouches
Photos : Victor Picon