Branleur semi auto-proclamé, Mr.Giscard est arrivé dans la musique avec nonchalance. Parfois on comprend ce qu’il dit dans ses chansons, parfois non. Ça ne l’empêche pas de se faire une place entre rap et chant avec un EP, puis un album qui raconte un pan de sa génération.
L’ennui et le vide, c’est une philosophie de vie ?
« Non, au contraire. Je ne supporte pas l’ennui, il faut absolument que je le comble par quelque chose. Justement, je fais de la musique pour combler l’ennui. J’adore être seul, être enfermé mais pas ne rien faire. Je suis accro aux écrans, à Internet, à YouTube. Parfois, des potes passent chez moi et je leur vole leur mots de passe Netflix et hop, je suis reparti pour un tour ! Si tu me mets avec une connexion internet, je peux être seul pendant des mois sans séquelles mentales. Je suis auto-suffisant. Il y a beaucoup de gens qui n’arrivent pas à être seuls avec eux-mêmes. Moi j’ai une vie intérieure hyper vaste, même quand je suis seul, je suis jamais seul : je suis avec moi-même ».
Comment on fait de la musique quand on est seul ?
« Je ne peux pas faire de la musique accompagné. Pour faire les bons choix, c’est une torture, c’est zéro plaisir. Sur huit cent heures de taf, t’as dix minutes de kif. Tout le reste, c’est l’enfer mais c’est comme ça que tu trouves les bonnes solutions. Pendant trop longtemps, j’ai attendu la bonne personne avec qui travailler. T’attends, t’attends et finalement tu fais rien. Et puis un jour, je me suis dit que j’allais faire les choses tout seul. Vouloir trouver quelqu’un qui fasse les choses, ce n’est qu’une fuite d’obstacles,. Une fois que t’es autonome, et bah c’est horrible. Je suis quelqu’un qui doute, faire des choix, c’est la mort. Mais à la fin quand les étoiles sont alignées, t’es soulagé ».
Alors comment t’as choisi les titres pour ton EP ?
« Je suis tellement pas productif que 100% des titres que j’ai produit sont sortis. Rien n’est parti à la poubelle ! Après il a fallu faire un album, ça m’a saoulé, j’écoute pas d’album, j’aime pas le format ».
La musique c’est un plaisir ?
« C’est plus une obsession. À partir du moment où tu es écouté, t’as des deadlines, des comptes à rendre, il n’y a plus de plaisir, t’as du stress. Je le gère mal. Maintenant que j’ai eu des succès, j’ai de quoi comparer c’est horrible. Je me dis que. Je peux faire moins bien ».
Tu es surpris d’avoir eu du succès ?
« Oui et non. Au début, je détestais les premiers morceaux, mes potes trouvaient ça chelou que je chante, ils s’en battaient les couilles. Mais à un moment, j’ai vu un engouement, ça venait souvent des nanas. À un moment, mes potes m’ont réclamé des sons, des gens qui m’avaient écouté une seule fois. Quand quelqu’un dit qu’il fait de la musique, 90% du temps c’est nul mais là les gens étaient surpris que ça soit bien ».
C’est vexant…
« Je sais que quand on me connait pas on me prend pour un branlos alors que je suis obsessionnel et pointilleux. Il y a peu de gens qui savent que je fais tout, de la prod au mix ».
Comme t’es solitaire, on te verra jamais faire de collab ?
« J’adorerais mais je suis super lent dans mon travail ! C’est dur de faire subir mon rythme à quelqu’un. Le truc de s’enfermer en studio pour faire un son pendant un temps défini, j’en suis incapable, il me faut du recul ».
Et la scène ?
« Au début, ça me faisait chier. Je suis pas sûr d’aimer être sur scène, je suis pas dans le lâcher prise. Moi je kiffe pour l’après concert : tout est gratuit, la tise, t’es avec tes potes. C’est le meilleur côté du truc ».
Propos recueillis par Sarah Koskievic
Photos : Victor Picon