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Nina Versyp : "un peu comme une guerrière, j’ai foncé"

30 Sep 2024
Nina Versyp : "un peu comme une guerrière, j’ai foncé"

Remporter le Prix Chorus des Hauts-de-Seine ? C’est chose faite, en début d’année. Assurer des premières parties pour des pointures ? Idem, en ouverture de Pomme et de Clara Ysé, notamment. Sortir un premier EP de pop-folk enchanteresse ? Une nouvelle étape franchie avec succès avec Paralysed, en février dernier.

L’avenir semble décidément radieux pour cette jeune vingtenaire française qui a beaucoup vécu à l’étranger (d’où son choix de chanter dans un anglais impeccable). Dans la lignée des prêtresses pop modernes, de Bat For Lashes à Tirzah, elles aussi héritières de la déesse Kate Bush, Nina Versyp chante ses morceaux miraculeux à la manière d’un oracle. Chez elle, la musique déploie tout son pouvoir onirique et agit comme un sortilège chez ses auditeur·rices.

Tu viens de sortir de scène, comment tu l’as vécu ?

C’était super. Public hyper attentif. Je réalise pas encore, je suis en dissociation totale. C’était génial. Génial aussi de voir des artistes juste avant que j’adore, ou que je joue au sein de cette programmation de fou.


Ça ressemblait à tes attentes ?


J’essaie justement n’avoir aucune attente en festival. Dans ma tête, je pourrais jouer devant 20 personnes. Mais après il y a l’effervescence du festival, il faut se concentrer et j’ai mis beaucoup d’énergie là-dedans pour pouvoir vibrer avec les gens.


Qu’est-ce que ça t’a apporté de remporter le prix Chorus des Hauts-de-Seine ?


De la motivation et de la confiance, chose dure quand on est une jeune artiste émergente. Et de faire des rencontres artistiques. Il y avait quatre autres artistes géniaux. Donc ça aide à s’insérer dans ce milieu qui demande justement des connexions.


Parlons de ta filiation à Kate Bush, qui semble évidente.


C’est trop drôle, je n’avais jamais écouté Kate Bush avant de la voir accolé à mon nom dans la description de Rock en Seine. C’est incroyable ce qu’elle fait donc c’est un super compliment. Je prends totalement (rires).


Quelle imagerie onirique rattacherais-tu à ta musique ?


Ça ressemblerait à un rat avec un petit papillon, peut-être rose. Les rats, on peut attribuer ça à un animal dégueulasse alors que c’est super intelligent. Ma musique c’est ça. C’est pas juste moi avec ma guitare qui va faire de jolies chansonnettes. Il y a quelque chose d’urgent dans mon travail. J’essaie d’avoir une sorte de cradeur, une énergie brûlante.


Ça veut dire quoi faire de la musique avec de l’urgence ?


C’est faire de la musique avec de la vérité. L’urgence, c’est la nécessité de dire un truc. Je suis obligé de faire de la musique, je l’aurais fait même sans être pro. J’en ai besoin en fait.


Quel regard tu portes sur le fait d’être une artiste féminine dans le monde musical aujourd’hui ?


Je suis toujours dans ma bulle. Je vis les injustices en tant que femme dans mon quotidien. Et si dans la musique j’en ai vécu, un peu comme une guerrière, j’ai foncé ; j’ai vaincu ces épreuves. C’était à un festival, il y a quelques mois de ça : un mec dans le public a balancé des atrocités que je ne pourrais pas dire, type injures sexuelles quand j’étais sur scène. A ce moment-là, je sors de mon set, on me rapporte ce qu’il a dit. Je me suis sentie nue, crade. On aurait jamais dit ça à un artiste mec. J’ai eu peur et me suis dit « olala j’étais habillée en jupe hyper longue pourtant », ce genre de truc à la con.


Comment tu t’en remets ?


En créant de plus en plus ma bulle sur scène, en connectant avec les gens qui sont vraiment là pour toi. Quand il y a des éléments perturbateurs, tu essaies de les oublier pour ne pas devenir parano. Ça n’empêche pas la rage.


On manque encore de headliners féminins en festival. J’avais l’an dernier les Nova Twins qui disaient que si on ne fait pas ce renouvellement, les actuels vont mourir, il n’y aura plus personne. Toi qui a fait des premières parties de Clara Ysé ou qui a filiation possible avec November Ultra, as-tu des références qui te servent de locomotives ?


Je suis très inspiré par Lhasa et par les artistes kabyles aussi, car je le suis à moitié moi-même. Elles ont un truc de combattante. Et il faut être combattante quand on est une femme dans la musique, que ça soit en backstage, sur scène, en studio, pour trouver des réals meufs, des ingés son meufs. Nova Twins a raison, il faut changer tout le système. Ça commence, il faut poursuivre.


Dans cet ordre d’idée, il y a quelqu’un qui t’inspire dans la programmation ?


Evidemment PJ Harvey ! Vu que je jouais avant elle, sur une autre scène, est-ce qu’on peut dire que j’ai fait sa première partie ? (rires) Bonnie Banane j’ai vu des extraits, j’adore.


S’il fallait choisir une de tes chansons pour te découvrir, tu dirais laquelle ? Je pensais à Boby Back.


Ah, thank you! Je dirais aussi Body Back. Une chanson un peu « lourde » mais importante pour moi car elle traduit l’urgence. Ou Moved Around, pareil.

Propos recueillis par Alexandre Mathis

Photos : Olivier Hoffschir