Permettre à des personnes en situation de handicap de jouer de la musique, de composer, de s’exprimer par le biais de l’art, de sortir de l’isolement pour créer à plusieurs : voilà le beau projet porté par HandyArtMix et Artis Facta, deux associations de la métropole nantaise qui organisent des ateliers créatifs hebdomadaires.
Sous leur impulsion, le collectif Soyuuz a été constitué en 2019 par un ancien éducateur et des musiciens réunis autour de leur passion pour le post-punk. Ils ont depuis été rejoints par un bassiste et un batteur professionnel, depuis 2021, pour remplacer leur boîte à rythmes. Cette troupe atypique est en pleine préparation de son premier album. On en écoutera des extraits à Rock en Seine et on applaudira sans réserve cette équipe pas comme les autres.
Pouvez-vous présenter le projet ?
Jérôme : Soyuuz est né d’un atelier en 2017 de deux assos nantaises. Je connais la plupart des membres depuis plusieurs années, on avait déjà un groupe ensemble KubE. Soyuuz a pas toujours eu cette configuration-là, il y a eu d’autres gens avant. Là on a une formule pérenne depuis 2 ans.
C’est quoi la forme actuelle ?
Olivier : Moi j’aime faire de la guitare depuis 8 ans.
Amina : Ça faisait 2 ans que je voulais faire partir du groupe et je voulais continuer à faire de la musique. Maintenant, ça fait 3 ans que j’y suis.
Jérôme : On est tous sous contrat. C’est le grand cheval de bataille. En France, ça n’existe pas encore de faire des cachets quand on est handicapé. En clair, il y a un plafond de cachets pour que ça n’entrave pas l’Allocation aux Adultes Handicapés (AAH). C’est un casse-tête. Comment ça se passe si on a un accident du travail par exemple ? On est pas couvert. Donc le fait qu’on soit tous sous contrat, c’est nickel ! On est tous à la même enseigne. L’argent gagné pendant les concerts n’aura ici pas d’impact sur l’AAH.
J’imagine qu’un des buts du groupe est aussi de sensibiliser à l’accessibilité, pour aller sur scène mais pas seulement. On a un vrai retard en France, notamment à Paris. Confronter les gens à ça parce que vous venez faire de la musique, c’est une partie du projet ?
Jérôme : Oui, tu as raison. On essaie d’enfoncer des portes plutôt fermées. Les politiques ne se sont pas encore totalement mis en route. Ça a bougé mais l’arrivée de groupes comme Soyuuz, c’est hyper nouveau. Astéréotypie, qui était aussi à Rock en Seine, a commencé le boulot. Nous, on profite de cette aspiration pour dire que c’est possible. C’est pas « musique et handicap », c’est un groupe rock. En termes de création, c’est intarissable. Comme le dit le film d’Artus sortie récemment, on pourrait considérer Soyuzz comme un groupe qui a quelque chose en moins, alors qu’en fait, on a quelque chose en plus. C’est notre objet de création.
Qu’est-ce que ça vous offre en plus, d’un point de vue créatif ?
Clément : On est pas handicapé, on est handicapable ! On est pour une soirée handicapable à Rock en Seine.
Vous avez forcément quelque chose d’improbable qui vous ai déjà arrivé d’un concert.
Clément : Une fois, on devait monter sur scène, mais le monte-charge était en panne. Le public nous appelait, nous attendait, mais on ne pouvait pas y aller.
Et quel artiste ici vous inspire ?
Clément : Zaho de Sagazan, « la jeune fille de Saint-Nazaire », nous inspire. On l’a croisé régulièrement. Elle répétait le même jour à Saint-Herblain, tous les lundis après-midi. On allait boire un café ensemble à la cafétéria. On retrouvait Zaho. On partage des points communs d’aimer et de faire de la musique. Et elle aussi est partie de rien, comme nous.
Propos recueillis par Alexandre Mathis
Photos : Roxane Montaron